Date / Heure
07/10/2013
Toute la journée
Confrontations Europe a organisé une conférence sur « Internet et la transformation du modèle social ».
Internet est un réseau mondial, foyer d’une révolution informationnelle et communicationnelle. Il permet l’accès de tous à une masse d’informations, à des coûts quasi nuls et même apparemment gratuitement, sur ce qui se passe dans le monde entier et sur ce qui s’est passé dans l’histoire. En même temps, il permet une capacité d’interactivité et d’enrichissement mutuel de l’information sans précédent (depuis la révolution de Gutenberg). Et il a progressivement transformé notre rapport à l’espace et au temps, et jusqu’à notre façon de penser et d’agir ; pénétrant ainsi notre vie quotidienne, et notre vie en société.
Le modèle social européen repose sur un haut niveau d’emploi et du pouvoir d’achat, une protection sociale et des services publics sans équivalent dans le monde, un dialogue social et des relations sociales puissamment organisés, au travers d’institutions et de législations nationales et européennes. Mais ce modèle est menacé non seulement dans le contexte de sortie de crise, mais aussi dans celui de la mondialisation et de la compétition internationale exacerbée. Chômage massif, sous-emploi des capacités humaines, Etats providence nationaux menacés, concurrences salariales et recul du dialogue social, singulièrement au niveau européen sont autant de défis à relever pour préserver ce modèle social européen. C’est l’un des objectifs des propositions actuelles en faveur du renforcement de la gouvernance de l’Union. Pour se faire, il faut marcher sur deux pieds : compétitivité et solidarité sont à conjuguer pour permettre à l’Europe de sortir de l’impasse et préparer la croissance de demain.
Internet est un formidable outil mais qui n’est pas neutre. Il appelle des choix de société, de transformation économique et de civilisation qui supposent une redéfinition des responsabilités des acteurs économiques et sociaux et des autorités publiques régionales, nationales et européennes. En quoi participe t’il – ou non- des efforts de compétitivité de l’Union, tant en terme de productivité, de baisse des coûts du travail que d’une mobilité accrue dans l’espace européen ? Internet renouvelle profondément les réflexions européennes en matière de solidarité, tant en matière d’accès pour tous à la technologie et à l’information, que de cohésion territoriale ou encore de formation. Quelles solutions et quels nouveaux défis comporte t’il ? Comment l’UE et ses membres peuvent-ils prendre appui sur Internet afin de résoudre l’équation de la défense et de l’amélioration/modernisation du modèle social européen?
Durant cette conférence, trois sujets centraux ont été débattus à Bruxelles avec des personnalités de de différents pays européens représentant l’ensemble de la société civile: représentants d’entreprises de la sphère numérique mais aussi de « secteurs traditionnels », des représentants des syndicats, du milieu académique, des régions et collectivités locales, et bien entendu des représentants des institutions publiques nationales et européennes.
Des recommandations ont été élaborées sur la base des débats et transmis aux dirigeants européens en amont du Conseil Européen d’Octobre 2013 dédié à l’Agenda numérique.
TABLE-RONDE 1 : « Opening-up Education and training »
En matière de réflexion sur l’éducation et la formation, là encore, l’UE n’est pas absente. Elle propose actuellement des objectifs d’insertion des jeunes, d’amélioration de la qualité de l’éducation et de la formation, de triangulation entre recherche-enseignement-entreprises (paquet Emploi, programme lifelong learning…). Dans une optique transfrontière, il y a énormément à faire pour mieux connaître les autres Européens, pour multiplier les échanges scolaires et les coopérations scolaires et universitaires, pour résoudre le barrage que constitue la méconnaissance des langues face à la diversité… Dans cette réflexion, en quoi Internet offre t’il des possibilités nouvelles ?
Favorisant un meilleur accès pour tous de l’information et des savoirs, on peut dès lors se demander si et comment Internet participe de cette mission confiée à l’école, visant à donner de meilleures chances pour tous ? Les écoles et autres institutions d’éducation et de formation repensent aujourd’hui leur fonctionnement à l’aune des nouvelles technologies et de l’Internet. Modifications des rapports entre élèves et enseignants et besoins de nouvelles compétences sont des défis nouveaux pour le système de formation européen.
Concernant l’e-éducation (cours en ligne, plateformes d’éducation par exemple), le modèle devient davantage collaboratif ou interactif grâce à des outils sur Internet qui permettent de personnaliser les cours en fonction du profil de l’élève. Cours personnalisés en ligne, e-bibliothèque, base de données en ligne sont autant de nouveaux outils dont disposent les élèves pour se former. En quoi est-ce un gage de réussite des élèves ? Quel traitement de la qualité et par quelles institutions/acteurs ? A quelle certification ou quel référentiel faut-il se fier ?
TABLE-RONDE 2 : « Internet change le travail »
A l’heure où les Etats ont pour défi central la lutte contre le chômage massif, la redynamisation de l’emploi en Europe et l’amélioration de leur marché du travail, nous suggérons de réfléchir aux conditions de convergences des marchés nationaux et de formation d’un marché européen du travail qui démultiplieraient l’information, l’interactivité et la mobilité transfrontières.
Au travers des possibilités d’échanges d’information et de dialogue (recherche d’emplois sur le Net, réseaux professionnels..) qu’offrent Internet, quel peut-être son apport dans l’échange d’information et la comparaison des marchés nationaux de l’emploi, dans la gestion des transitions professionnelles, dans l’échange de bonnes pratiques, dans la modernisation du dialogue social (échange de connaissances et de travaux entre comités d’entreprises, comités sociaux sectoriels, conventions d’entreprises..) ? L’Europe ébauche, au travers d’EURES, un véritable service européen de l’emploi et les expériences de réseaux nationaux entre universités et entreprises – à l’image d’Almalaurea- se multiplient pour favoriser une meilleure adéquation aux besoins de compétences. En quoi Internet peut-il contribuer à ces évolutions ?
La question du travail est inséparable de celle de la productivité. L’augmentation du stress au travail liée notamment à la manipulation de multiples informations et aux carences graves de la coordination dans la gouvernance, alors qu’on demande aux travailleurs de contribuer à l’innovation, de mieux « reporter » et de prendre des initiatives, est un trait caractéristique de nos sociétés. Typiquement se servir d’Internet est un enjeu majeur d’amélioration de la qualité du travail (télétravail, réseaux collaboratifs internes…). Internet et les TIC en général participe d’une transformation des relations entre employeurs et employés, poussant ainsi à un renouvellement du management au sein même des entreprises nous obligeant à « désapprendre » ce que le modèle fordiste nous a enseigné. Les hiérarchies doivent assurément s’aplatir et favoriser les systèmes collaboratifs en interne, et ouverts sur les talents externes. Une révolution en termes de 3 compétences et de formation qui conduit à repenser les ressources humaines au sein des entreprises, et qui conduit à revisiter l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.
TABLE-RONDE 3 : « Internet révolutionne les services publics »
Nous pensons qu’une modernisation majeure des missions et de l’efficacité de l’Etat et de ses services est indispensable et que la notion de biens publics européens doit être examinée. Le pilotage et la gestion en silos devrait laisser progressivement place au décloisonnement, à la communication horizontale et au travail collaboratif. Comment l’Etat et les collectivités vivent-ils leur mue numérique et quels défis restent-ils à surmonter?
Dans un contexte de raréfaction des finances publiques et d’émergences de nouvelles attentes de la part des usagers, l’organisation sociale des sociétés développées doit être repensée pour en alléger les coûts de fonctionnement tout en assurant la pérennité du modèle social. E-administration (procédures administratives en lignes), accès facilité à la justice par le Net, expériences de « visio-accueil » ou « visio-guichets », sont autant de vecteurs de modernisation à explorer et d’outils participant d’une nouvelle forme de cohésion territoriale à soutenir aussi bien pour rompre l’isolement dans les zones peu peuplées où le service n’existe plus ; que à contrario pour faciliter les démarches et éviter les déplacements dans les zones très denses. Autant d’enjeux clés aussi pour la réussite des opérations de décentralisation, et pour les réflexions autours de nouveaux commons.
De même, des expériences en matière de télémédecine sont à explorer pour palier les défis de notre système de santé et de protection sociale (vieillissement de notre population, maintien des seniors à domicile, déserts médicaux, coûts de soins…).
Plus largement, les acteurs publics regardent du côté d’Internet pour bâtir ensemble la société de demain. Face aux nouveaux défis sociétaux du vieillissement, du changement climatique et de la crise énergétique, recourir au numérique peut permettre d’opérer les mutations sociales dont nous avons besoin. Si Internet abolie les frontières, de nouveaux services favorisent aussi un « Internet de proximité » qui « re-territorialise ». Face aux défis de la Ville 2.0, quelles sont les nouvelles responsabilités de nos villes en termes d’infrastructures mais aussi de services ? Enfin, on peut s’interroger sur l’émergence d’une nouvelle mission de service public avec la protection des données personnelles.